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Frère Alexis (Didier Noël)


Les chemins de saint Benoît-Joseph Labre (Chronologie)

1748-1769


Année 1748

Mardi 26 mars 1748 — Naissance de Benoît-Joseph Labre à Amettes (Artois), diocèse de Boulogne-sur-Mer.

Mercredi 27 mars 1748 — Baptême à Amettes de Benoît-Joseph, le lendemain de sa naissance. François-Joseph Labre, son oncle paternel, vicaire du village voisin, célébrera le baptême et sera le parrain du nouveau-né.


Année 1753

? 1753 — Benoît-Joseph est envoyé à l’école d’Amettes.

Benoît-Joseph passa sa quatrième et sa cinquième année chez son aïeule maternelle, sa marraine. Lorsqu'il fut en état de fréquenter l'école du village, il demeurait chez elle pendant la belle saison, et retournait l'hiver chez ses parents, où il était plus à portée de suivre la classe. L’Abbé François Hanotel, pour lors vicaire d'Amettes, et ensuite curé de Boyaval, présidait à l'enseignement des enfants du village; il avait sous lui François-Joseph Forgeois. Rien n'est plus édifiant que le témoignage qu'ils rendent l'un et l'autre de la conduite du jeune enfant. C’est donc de ce dernier que Benoît-Joseph acheva d’apprendre à écrire ; il l’eut pour maître pendant deux ans et demi, avant de passer sous la conduite immédiate du vicaire.


Année 1756

? 1756 — Benoît-Joseph est envoyé à l’école de Nédon.

Benoît-Joseph avait à peine atteint sa dixième année, qu'il passa de l'école d'Amettes à celle de Nédon, dont excellente réputation. Benoît-Joseph s'y fit remarquer encore davantage parmi ses condisciples par sa retenue, sa modestie, sa contenance respectueuse à l'église, et surtout par son zèle à servir la sainte messe. L'impression que les vertus du jeune écolier firent sur le maître et sur ses compagnons fut tellement profonde, que plus de vingt-cinq ans après, ils en avaient conservé le souvenir, et qu'à la mort de Benoît-Joseph tous se rappelèrent les témoignages éclatants de piété et de sagesse qu'il leur avait donnés dès sa première jeunesse.


Année 1760

? Mai 1760 — Benoît-Joseph a 12 ans. Le curé d’Erin, François-Joseph Labre, oncle et parrain du jeune Benoît-Joseph, convainquit ses parents de le prendre avec lui afin qu’il puisse parfaire sa formation spirituelle et apprendre le latin.


Année 1761

Vendredi 4 septembre 1761 — Benoît-Joseph fait sa première communion et reçoit le sacrement de confirmation de Monseigneur François-Joseph-Gaston de Partz de Pressy, évêque de Boulogne-sur-Mer.

Mgr François-Joseph-Gaston de Partz de Pressy, qui gouvernait le diocèse de Boulogne depuis 1742, avait annoncé sa visite épiscopale à Erin pour le 4 septembre. Ce jour fut choisi pour la première communion de Benoît-Joseph afin de la faire précéder du sacrement de la confirmation, l'après-midi.


Année 1764

? 1764 — 1ère demande de Benoît-Joseph, d’entrée à la Trappe.


Année 1766

Samedi 13 septembre 1766 — Benoît-Joseph a 18 ans et demi. Décès de François-Joseph Labre, curé d’Erin lors d'une épidémie de typhus, une maladie qu'il contracte auprès des paroissiens lors de ses visites pour les sacrements et divers services. Benoît-Joseph se voit contraint de retourner à Amettes. (Auprès des paroissiens d'Érin, l'influence spirituelle de Benoît-Joseph fut telle qu'ils l'appelaient affectueusement le «petit curé».)

? Novembre 1766 — Retour à Amettes chez ses parents et 2ème demande d’entrée à la Trappe.

? Décembre 1766 — 1er séjour chez l’oncle Vincent, curé de Conteville.

Benoît-Joseph arriva à Conteville vers la fin décembre de cette même année 1766; seulement sa vie était devenue plus solitaire et plus retirée. Levé de grand matin, il allait aussitôt faire sa prière et sa méditation devant le saint Sacrement, en attendant l'heure de la messe. De retour à la maison, il s'occupait de ses devoirs de classe. Chaque exercice avait ses heures convenables, et il ne s'écartait point de son règlement sans une permission formelle de son oncle. Il employait son temps ou à l'église, absorbé en Dieu, ou dans sa chambre, appliqué à ses lectures spirituelles. Les dimanches surtout étaient des jours vraiment consacrés à Dieu, et ramenaient toujours même assiduité aux prônes et catéchismes. Quant aux études, il parut reprendre haleine. Fixé désormais sur sa vocation, son esprit était plus tranquille et moins préoccupé. Il étudiait, il est vrai, plutôt par obéissance que par goût : mais sa soumission n'était plus contrariée par les agitations intérieures, qui rendaient presque nulle auparavant toute sa bonne volonté. Aussi le peu de mois qu'il passa dans cette école ne furent pas sans fruit, bien que les leçons n'eussent pas toute la régularité possible, à cause des fonctions du ministère, auxquelles son maître devait suffire à lui seul. Il excella pourtant dans la version des auteurs latins, pour laquelle ses lectures continuelles lui donnaient une grande aptitude. Et l'on pourra juger par ses lettres qui ont été conservées, qu'il était capable d'écrire en bon style. Ses grandes récréations étaient d'accompagner son oncle à quelque solennité religieuse, comme aux fêtes patronales des paroisses voisines; et son grand plaisir alors était de porter croix, chandeliers, bouquets ou autres ornements pour ajouter à la décoration de l'autel du lieu où ils se rendaient. Dans ce cas, il ne se plaignait jamais d'être trop chargé ou de sentir de la fatigue. S'il profitait des jours de congé, c'était pour solliciter la permission de visiter les églises des environs, surtout s'il s'y faisait quelque exercice pieux. C'est ainsi qu'il alla un jour pendant le carnaval à Saint-Pol, distant de cinq à six kilomètres. On pense bien que ce n'était point par un motif de dissipation ou de curiosité. Mais le très saint Sacrement y était exposé dans l'église des Carmes pour les prières des quarante heures. Désireux d'offrir aussi son amende honorable, il s'y rend dès le matin. A peine entré en ville, il se dirige vers le couvent désigné. Arrivé dans l'église, il se prosterne en un coin devant l'auguste objet de ses adorations, et y reste une grande partie de la journée, sans songer à prendre aucune nourriture. Une personne pieuse qui le connaissait sans doute et qui l'avait observé, en eut compassion et vint, vers trois heures après midi, l'inviter à se restaurer un peu chez elle. Il refuse l'invitation poliment, ne voulant pas perdre une seule minute de ces moments si précieux.


Année 1767

? Carême 1767 — Mission près de Conteville.

Pendant le carême de cette année 1767, les missionnaires diocésains étant venus exercer leur ministère évangélique à Boyaval, à l'occasion des quarante heures, fixées au mercredi 11 de mars 1767, et successivement dans quelques autres villages des alentours de Conteville, M. Vincent permit aisément à Benoît de contenter le désir qu'il manifesta de les suivre dans leurs missions.

? Avril 1766 ? Mai 1767 — 3ème demande et permission ; tentatives chez les Chartreux du Val sainte Aldegonde.

Suivant le conseil de son oncle Vincent, Benoît-Joseph choisit d'abord la chartreuse du Val Sainte Aldegonde située près de Longuenesse, au diocèse de Saint-Omer. Sans doute que l’oncle Vincent avait avec les pères de ce monastère quelques relations qui pouvaient faciliter l'entrée de son neveu; car ce n'était pas le plus rapproché de Conteville. Accompagné d'un de ses camarades d'école, Benoît s'achemine vers Saint- Omer en passant par Amettes, qui était sur la route, pour instruire ses parents qu'il allait solliciter son admission. On était sur la fin d'avril 1767 après les fêtes de Pâques. Les Chartreux, comme les Trappistes, ont coutume d'exercer l'hospitalité envers tous ceux qui les visitent, pendant deux ou trois jours. Benoît-Joseph avec son compagnon est donc bien accueilli; il se réjouit à la vue de l'ordre et du silence dont il est témoin, il est enchanté de la disposition ainsi que de la situation du monastère. Il croit toucher au port : mais lorsqu'il expose le motif de sa venue, il apprend qu'on ne peut le recevoir pour le présent. Le couvent venait d'essuyer des pertes importantes par suite d'un incendie, et contenait tout le personnel qu'il pouvait nourrir; il était impossible de l'augmenter sans surcharger l'économat outre mesure. Plus tard, il pourra se présenter de nouveau ou se présenter à la chartreuse de Notre-Dame des Prés de Neuville sous Montreuil-sur-Mer, qui n'avait pas subi les mêmes désastres. Ce n'était pas sans quelque regret qu'on le congédiait ainsi; car Dom Cyrille Piéfort, qui l'avait reçu dans sa cellule et l'avait entretenu quelque temps, fut frappé de la grande modestie de ce jeune homme. Mais il fallut faire acte de résignation des deux côtés, et Benoît-Joseph se retira tout désappointé. Toutefois ce premier échec ne le décourage point. Il revient à Amettes rendre compte de l'issue de sa démarche à ses parents, et le lendemain à Conteville chez l’oncle Vincent). Le P. Cyrille lui avait aussi conseillé, de la part du père Prieur, D. Berlin Rifflart, d'apprendre avant tout le chant ecclésiastique et d'étudier un peu la dialectique, attendu que ces connaissances seraient exigées dans l'un comme dans l'autre monastère. Il s'occupait depuis quelques semaines de cette étude , lorsqu'un autre de ses oncles, François-Henri Vincent, membre du chapitre de Notre-Dame de Wallincourt en Cambrésis, et qui en devint ensuite le doyen, vint visiter sa sœur à Amettes, ainsi que son frère à Conteville. Il ne pouvait pas ne pas s'intéresser aux projets de Benoît-Joseph, c'était la grande affaire qui préoccupait toute la parenté. Il écoute le père et la mère, il écoute l'oncle et le neveu, il questionne longuement ce dernier, fait les observations convenables, confère sérieusement avec son frère, et finalement en homme de bon sens et de foi sacerdotale, conclut aussi que leur neveu est vraiment destiné de Dieu à la vie monastique. Après cette discussion, il offre de conduire lui-même Benoît-Joseph à la Chartreuse de Neuville. Nulle proposition ne pouvait être plus agréable à notre jeune homme; car il se crut bien plus sûr de réussir sous le patronage d'un chanoine recommandable et considéré. Le jour du départ est fixé pour la fin mai de cette même année 1767. En attendant, Benoît-Joseph vient demander la bénédiction paternelle, et se met en route avec son protecteur. Douze lieues séparent Amettes de la Chartreuse de Neuville, Benoît-Joseph veut faire le trajet à pied, et refuse catégoriquement d'alterner avec son oncle dans l'usage de sa monture. Cette fois-ci son espoir ne fut pas tout à fait trompé. Les bons Pères Chartreux, sur l'exposé des antécédents, jugèrent que les signes de vocation étaient suffisants pour l'admettre comme postulant. Cependant parce qu'il s'agissait non d'un oblat (c'est ainsi que se nomment chez eux les frères servants), mais d'un religieux de choeur, vraisemblablement destiné au sacerdoce, le révérend père Prieur, Dom Michel Pater, lui fit observer que rien ne pressait, puisqu'il n'avait pas encore accompli ses vingt ans et qu'il n'avait pas fini toutes ses études, et il lui confirma l'obligation d'apprendre avant sa réception les principes du plain-chant et de la dialectique. Benoît-Joseph entendit cette réponse avec une joie mêlée de tristesse, en voyant encore ajourner son désir de vivre dans la retraite. Son oncle le ramena donc à Amettes.

Vendredi 29 mai 1767 — Séjour à Ligny-Lès-Aire.

Cet ecclésiastique, qui se nommait Jacques-Adrien Dufour, était originaire d'Ames, et avait dû sa première instruction à feu François-Joseph Labre, curé d'Erin. Il lui conservait une vive reconnaissance des services qu'il en avait reçus pour sa promotion au sacerdoce, et on le savait disposé à payer dans l'occasion cette dette de gratitude, en faveur de quelque membre de la famille. D’ailleurs, il avait connu Benoît-Joseph chez son oncle et avait pu déjà l'apprécier. Le chanoine de Wallincourt, qui n'était pas encore parti pour le lieu de sa résidence, conduisit Benoît-Joseph chez son nouveau maître, vers la fête de l'Ascension 1767, afin d’y apprendre le chant ecclésiastique et la dialectique.

Mardi 6 octobre 1767 — Benoît-Joseph entre au nombre des postulants à la chartreuse Notre-Dame-des-Prés de Neuville-sous-Montreuil.

Son séjour à Ligny avait duré un peu plus de quatre mois, depuis le vendredi 29 mai 1767, jour de l'Ascension, jusqu'à la fin de septembre 1767. Or c'est le mardi 6 d'octobre 1767 que tombe la fête de saint Bruno ; ce qui fut probablement un motif pour lui d'accélérer son départ, afin de la célébrer avec les enfants de ce patriarche, qu'il allait prendre aussi pour son père. Il fait donc ses dispositions, va prendre congé de sa famille, et muni de la bénédiction de ses parents, d'une lettre de son instituteur et d'une attestation du curé de Ligny, qui le qualifiait de jeune homme plein de vertus, il part pour Montreuil-sur-Mer avec le même compagnon (le Hidoux), qu'il avait conduit dernièrement à Longuenesse. Le Prieur, l'ayant examiné, trouva son instruction à peu près suffisante, et ayant surtout égard à la vivacité de son désir, l'admit sans plus tarder au nombre des postulants. Malheureusement ses peines intérieures devenaient plus intenses et plus manifestes de jour en jour. Ces bons religieux avaient compassion de son état, et ils en conclurent que Dieu ne le voulait pas dans leur institut et, au bout de six semaines, le Père Prieur, voyant ses souffrances s’accroître, se détermina à le renvoyer et le fit accompagner jusque chez ses parents. En même temps il crut devoir donner avis de sa sortie au vicaire de Ligny, qui le lui avait adressé. Il lui mandait que les inclinations de ce jeune homme ne concordaient pas avec les usages du monastère; qu'il lui fallait une autre manière de vivre; que sa conduite était irrépréhensible et tendait plutôt à un excès de sévérité, et qu'enfin il eût été à craindre que poussant trop loin ses austérités, il ne devînt promptement un membre onéreux à la communauté.

? 1767 — Benoît-Joseph demande à ses parents pour la 4ème fois à entrer à la Trappe.

Dès le lendemain de son retour au foyer paternel, il renouvela formellement la demande de partir pour la Trappe. Il fit remarquer à ses parents qu'il était temps pour lui de prendre un parti, étant à la veille de terminer sa vingtième année; que si la volonté de Dieu ne lui permettait pas de correspondre à leurs intentions pour l'éducation de ses frères et sœurs, du moins il ne voulait pas leur être à charge plus longtemps ; qu'il avait essayé de se faire chartreux pour leur complaire, mais que cette tentative n'avait abouti qu'à le convaincre davantage que ce n'était pas là sa vocation, et qu'enfin, depuis six ans, qu'il désirait de se faire trappiste, ce désir était toujours allé en augmentant, et qu'il ne lui restait plus de doute, que ce ne fût l'état où Dieu le voulait.

Mercredi 25 novembre 1767 — 1er passage à la grande Trappe de Soligny dans l’Orne. Il apprend alors qu’aucun postulant ne peut être reçu avant l’âge de 24 ans.

Benoît-Joseph se présente à l’abbaye de Soligny et s'offre pour le chœur, le 25 novembre 1767. La réponse n'est pas favorable à cause de sa faiblesse accrue par la fatigue. Il insiste pour entrer au noviciat, assurant qu'après un peu de repos, il aura la force de tout endurer, sollicitant, priant, conjurant à mains jointes, mais en vain ; il est trop jeune, il ne pourra jamais supporter le régime de la Réforme. Il multiplie ses instances, expose les essais qu'il a déjà faits pour s'habituer à une vie mortifiée, et espère que Dieu, qui l'appelle depuis plusieurs années, le soutiendra au besoin. Mais la règle adoptée par ce monastère est inflexible : nul ne peut y être admis avant vingt-quatre ans.

Samedi 28 novembre 1767 — Passage à Sainte-Céronne-lès- Mortagne et séjour à la ferme du pont. (*)

La tradition du pays rapporte, en effet, que dans son voyage à la Trappe, en novembre 1767, le saint mendiant vint un soir frapper à la porte d’une Métairie (La Ferme du Pont) voisine de l’église afin de demander humblement l’hospitalité ; le lendemain, il passa de longues heures en prière devant le tombeau de Sainte Céronne à l’église. La ferme qui eut l’honneur d’abriter l’admirable pèlerin existe toujours, mais elle est devenue une habitation privée. Le souvenir de sa piété et de certains faits, tenant du prodige, a déclenché sur son passage beaucoup d’admiration. Les anciens habitants avaient gardé au coeur cette tradition, et lui édifièrent une statue dans l’église du village. Commémorant ainsi le passage de celui qui un jour, en pèlerin venu du Nord les as visités.

? 1767 — Passage à Courtomer (*)

À Courtomer, toujours dans le diocèse de Séez, Benoît- Joseph tenta par deux fois (en 1767 et 1769) d’être admis en se présentant à l’abbaye de la Grande Trappe de Mortagne. Ce fut à l’une de ces deux époques, qu’il passa par le bourg de Saint-Laumer, aujourd’hui réuni à Courtomer, le chef-lieu de canton. L’église de Saint-Laumer était alors bien pauvre, mais un souvenir, précieux entre tous, s’attache à ce sanctuaire disparu. Saint Benoît Labre s’y était arrêté pour prier et entendre la messe. Or, une pieuse mère y assistait aussi un matin ; voici que, tout à coup, elle se penche vers sa jeune enfant pour lui dire : « Regarde, ma fille, ce pauvre qui prie si bien ; ce n’est pas un pauvre ordinaire, c’est un saint. » L’enfant n’oublia jamais cette parole impressionnante qu’elle aimait à répéter dans un âge très avancé. Combien d’autres souvenirs du saint pauvre sont conservés dans cette paroisse ! Aussi, la piété des fidèles lui a érigé une statue ; des reliques ont enrichi son autel, et autrefois, chaque dimanche, à l’autel, on lui adressait cette fervente invocation : Sancte Benedicte Labré, ora pro nobis!

? 1767 — Benoît-Joseph loge au château des Seigneurs de Blanc-bâton à Grèges. (*)

L’Abbé Ricouard, dans ses écrits, nous rapporte qu’il recevait l'hospitalité à Grèges, dans l’ancien château, demeure ancestrale des seigneurs de Blanc-Bâton, On montre, semble t-il encore aujourd'hui, dans la propriété, le vieux four où il passait la nuit, la pierre sur laquelle il s'asseyait pour prendre ses repas ; lors de son séjour le Saint n'acceptait pour tout potage que de la soupe servie dans une écuelle de terre rouge, et pour lit, qu'une vieille armoire, située dans un appartement abandonné du château.

— Passage à Bracquemont et Dieppe (*) : église Saint-Jacques (Normandie).

Benoît-Joseph reprend le chemin d'Amettes et y rentre après un mois d'absence, avec ses habits en lambeaux et les pieds déchirés, ses chaussures n'ayant pu résister à la longueur et à l'âpreté de la route.

Décembre 1767 — Retour à Amettes. Désolé et épuisé par le voyage, il entre alors dans une grande affliction, malgré la tendresse dont l’entoure sa famille.

De retour à Amettes quelques semaines plus tard, les scrupules de Benoît-Joseph se réveillèrent, il se reprochait de n’avoir pas suffisamment montré sa détermination quand il s’était présenté à la Trappe de Soligny de Mortagne-au-Perche. Cette pensée le tarauda chaque jour dans son esprit. Jusqu’au jour où il annonça à ses parents le désir de partir une seconde fois à Mortagne-au-Perche. Sa mère qui était enceinte, éclata en sanglots, et lui demanda de renoncer à ce départ. Son Père demanda conseil auprès du vicaire d’Amettes, l’Abbé Jérôme Théret, de bien vouloir lui parler afin qu’il consentit à suspendre son projet. L’Abbé Théret lui proposa d’écrire une lettre au Père Abbé de la Trappe de Soligny, en exposant dans la lettre l’affliction et les reproches qu’il se faisait de n’avoir pas sollicité son admission avec plus d’insistance, et le désir qui lui était venu d’y retourner pour réparer cette faute. Il termina sa lettre en disant qu’il se serait déjà mis en route, si ses parents et ses amis ne l’en avaient détourné.

La réponse, quelques jours plus tard, fut celle qu’avait prévue l’Abbé Jérôme Théret.: Le Père Abbé Théodore Chambon, avec sollicitude, lui écrivit qu’il était inutile de se présenter de nouveau avant l’âge irrévocablement fixé à 24 ans.

* Note : Les dates et l’année de son passage sont, encore de nos jours, source de contradiction.


Année 1768

Jeudi 3 mars 1768 — Naissance à Amettes et baptême d’Augustin-Joseph (*).

La grossesse de sa mère étant arrivée au terme, elle mit au monde un fils, le quinzième de ses enfants, le jeudi 3 mars 1768. Elle désigna son fils aîné Benoît-Joseph pour parrain, et sa fille Elisabeth pour marraine; Benoît-Joseph fit d'abord quelques résistances, alléguant que, suivant ses desseins, il ne serait pas à même dans la suite de s'acquitter des obligations qu'il allait contracter, en tenant son frère sur les fonts sacrés du baptême ; mais son père Jean-Baptiste le décida à suivre la volonté de sa mère; il consentit donc de bonne grâce à ce qu'on demandait de lui, il donna à son filleul le nom d'Augustin.

(*) Note : Acte de baptême d’Augustin-Joseph :

L’an mil sept cent soixante-huit, le trois de mars, je, soussigné vicaire, ai baptisé un garçon né le même jour vers les trois heures après-midi du légitime mariage de Jean-Baptiste Labre et d’Anne Barbe Grandsire, ménage demeurant à Amettes, auquel on a imposé le nom d’Augustin-Joseph. Les parrain et marraine ont été Benoît et Elisabeth Labre, frère et sœur du nouveau baptisé, tous deux de libre condition et habitant dudit Amettes lesquels de ce interpellés de signer. La marraine a dit ne savoir écrire. [Signé] Benoît Joseph Labre
[Signé] Jérôme Théret, Prêtre.

? Pentecôte 1768 — Séjour à Conteville chez l’oncle Vincent pour la 2ème fois.

Le vicaire de Conteville son oncle, donna à Benoît-Joseph, des leçons de philosophie, malgré le peu de goût qu’il montra pour l’étude.

Au début de l'été 1768, autour de la fête de la Pentecôte, il revient brièvement pour étudier à nouveau auprès de son oncle, le curé de Conteville, mais il est bientôt renvoyé à la maison pour le travail sur la ferme familiale.

? Août 1768 — Retour à Amettes pour la 3ème fois.

Ses parents le firent rappeler à Amettes, prenant le parti de l’employer aux travaux domestiques et champêtres. Benoît-Joseph, soumis en tout, s’acquitta scrupuleusement de la tâche qu’on lui prescrivit, exécutant si ponctuellement et si aveuglement la volonté de ses parents, sans jamais faire attention aux circonstances imprévues qui l’auraient dispensé de faire ce que ses parents lui avaient ordonné. Son père, l’ayant une fois envoyé retourner des grains qui commençaient à germer à cause des pluies abondantes, il s’y rendit et continua son travail malgré la forte pluie qui survint. Trempé, il répondit à son père, qui le grondait d’avoir vaqué à ce travail pendant un aussi mauvais temps : je l’ai fait, mon père, parce que vous me l’aviez ordonné. Son insouciance pour les occupations rurales et mécaniques, faisait bien connaître, comme il l’a déclaré plusieurs fois, qu’il n’était pas appelé pour les affaires du monde. Ce nouveau séjour dans la maison paternelle dura environ vingt mois, il passait autant qu’il pouvait des journées entières dans sa chambre, s’y livrant à des exercices de piété, en supportant la rigueur du froid.


Année 1769

? Juin 1769 — Mission près de Boulogne-sur-Mer et retraite au séminaire.

Benoît-Joseph savait que les missionnaires du diocèse se trouvaient dans le voisinage de Boulogne-sur-Mer. Il partit donc pour les rencontrer et, après les avoir consultés, il alla à Boulogne-sur-Mer demander l’avis à Mgr François-Joseph-Gaston de Partz de Pressy sur ce qu’il devait faire au sujet de sa vocation. L’avis de l’évêque de Boulogne fut sans équivoque et lui conseilla de retourner chez les Chartreux et de ne pas aller à la Trappe contre la volonté de ses parents. De l'évêché, Benoît-Joseph passa au séminaire épiscopal de Boulogne, pour y voir un de ses cousins, professeur de théologie, et pour consulter aussi le Supérieur de cette maison. On lui fit bon accueil, on le retint environ quinze jours, pendant lesquels il fit sa confession générale à M. Chonneau, supérieur, qui le décida à retourner aux Chartreux de Montreuil; il écrivit même au Prieur de cette maison, avec qui il était ami. Le serviteur de Dieu, muni de cette lettre de recommandation et bien déterminé à suivre tous ces avis, passa par Montreuil en revenant chez ses parents. Le Révérend Père Prieur, ayant égard à la lettre du Supérieur du séminaire, voulut bien le recevoir de nouveau, et l'engagea à ne pas différer sa décision, et de se rendre au couvent, pour recommencer son noviciat : le postulant y consentit et retourna aussitôt à Amettes, où il raconta à ses parents tout ce que Monseigneur l'Evêque et le Supérieur du séminaire lui avaient dit. Et les ayant aussi consulté sur le choix de son état, il ajouta qu'il était revenu par la chartreuse de Montreuil, qu'il y était reçu encore une fois et qu'on l'y attendait incessamment.

Samedi 12 août 1769 — Benoît-Joseph a 21 ans. Il quitte définitivement le domicile de ses parents et retourne, sur recommandation de l'évêque de Boulogne à la chartreuse Notre-Dame-des-Prés de Neuville-sous-Montreuil mais en sort le lundi 2 octobre.

Lundi 2 octobre 1769 — Renvoi définitif de la chartreuse Notre-Dame-des- Prés.

Pour le Père Supérieur de la chartreuse, Benoît-Joseph n'a pas vocation à y être admis. Il a pourtant, avec une joie incroyable, observé exactement l'étroite règle de cet ordre, à y pratiquer toutes les austérités auxquelles on se livrait. Mais cette consolation fut d'un moment. Il devait en sortir pour les mêmes causes que la première fois. Sans connaître encore les véritables desseins de Dieu sur son âme, il écrivit une lettre à ses chers parents.

Extrait :

« Mon très cher père et ma très chère mère,

Je vous apprends que les chartreux ne m'ont pas jugé propre pour leur état; j'en suis sorti le second jour d'octobre. Je regarde cela comme un ordre de la Providence qui m'appelle à un état plus parfait. Ils m'ont dit que c'était la main de Dieu qui me retirait de chez eux.»

Seulement il ajoutait : « Je m'achemine vers la Trappe, ce lieu que je désire tant et depuis si longtemps. »

? Octobre 1769 — Passage à Albert dans la Somme à Notre-Dame de Brebières.

? Octobre 1769 — Passage à Monchy-Lagache une nuit au calvaire de Douvieux. (*)

Monchy-Lagache est une commune située dans le département de la Somme et la région Picardie.

? Octobre 1769 — Passage à Pertain, Lihons, Marchélepot et Saint-Quentin (Somme). (*)

D’après l’Abbé Bernard Hingrez (1983), et selon la tradition du lieux et les traces restées visibles, nous pourrions penser que Benoît-Joseph vint à passer au retour dans la ville de Pertain (Somme) en revenant de Soligny et de Sainte Céronne. Le séjour qu’il fit à Pertain et les environs, fut de plusieurs jours et selon la tradition du lieu son premier passage se situe en 1767 et il se dirigea ensuite vers Dieppe en passant par Bracquemont et Grèges. On peut conjecturer ici aussi sur le manque de date et la précision de l’année exacte où se situe la venue du Saint en ces contrées : l’abbé Hingrez privilégiait la période de 1769 à cause de son passage à Albert à cette époque. En outre il ajoutait qu’il fit certainement une autre apparition à Pertain, via Saint-Quentin vers 1775, mais le manque de preuves ne permet pas d’affirmer cette hypothèse… (Marchélepot, Pertain et Lihons sont des communes situées dans le département de la Somme et la région Picardie.)

* Note : Ainsi rien n'est plus certain que son passage en ces lieux, où il s'arrêta quelque peu, mais les manques de précision sur les dates et l’année de son passage sont, encore de nos jours, source de contradiction pour l’année 1767 ou 1769. Ce fut à l’une de ces deux époques, peut-être aux deux, qu’il s’y arrêta.

? Octobre 1769 — 2ème Passage à la grande Trappe de Soligny. (Mais elle lui reste définitivement fermée à cause de son âge).

? Octobre 1769 — Trace d’un Passage au Mont-Saint-Michel à la même période.

? Octobre 1769 — Passage à Chartres : Notre-Dame-sous-Terre.

? Octobre 1769 — Passage à Pouilly-sur-Loire.

Il prophétise au vigneron qui l’accueille que sa vigne ne gèlera plus jamais. (Pouilly-sur-Loire est une commune, située dans le département de la Nièvre et la région Bourgogne.) D’importantes traces de son passage subsistent toujours de nos jours en cette commune de la Nièvre.

? Octobre 1769 — Passage à Nevers : Abbaye de Saint-Martin.

À Nevers, durant sa visite à l'abbaye de Saint-Martin, il annonce la disparition des bâtiments de l’abbaye et en effet elle sera détruite, ce qui s’est réalisé et le souvenir de l’abbaye n’est évoqué de nos jours que par la rue Saint-Martin.

(L’abbaye de Saint-Martin de Nevers avait été fondée au VIII ème siècle.)

? Octobre 1769 — Passage à Dornes.

C’est ici à Dornes, dans le Nivernais, qu’une femme, qui lui a donné à manger et un abri dans sa ferme un soir, a le pressentiment d'avoir logé un saint et le dit à ses enfants.

Lundi 30 octobre 1769 — Arrivée de Benoît-Joseph à la Trappe de Sept-Fons.

Samedi 11 novembre 1769 — Benoît-Joseph a 22 ans.

Comme il l'a indiqué à ses parents, il prend l'habit religieux à l'abbaye de Sept-Fons et prend le nom de « Frère Urbain ». Il est alors rattrapé par ses scrupules, n'ose plus communier ni recevoir l'absolution par défaut de contrition.